Il y a une semaine je redécouvrais que les promesses marketing n’engagent personne et que le handicap n’est rien de plus qu’un support d’image positive ponctuel et pas cher.
Contexte
Ma fille ainée, pour le suivi et l’exploration des différents impacts de son syndrome d’Ehler-Danlos (SED), fait régulièrement des polysomnographies. Cet examen consiste à enregistrer au moyen d’électrodes une nuit de sommeil. Cela se fait très bien à domicile avec, comme pour une mesure ambulatoire de la pression artérielle, deux passages en cabinet médical pour la pose et le retrait des capteurs et du boiter d’enregistrement.
D’un point de vue physique, les conséquence du SED sont pour elle, entre autres, une autonomie à la marche d’un peu moins de 150 mètres et de tachycardie et malaise quand elle reste statique en position debout. Elle utilise un fauteuil roulant manuel à assistance électrique pour ses déplacements extérieurs.
Proxi mité
Le centre médical qui suit ma fille est à Boulogne-Billancourt, elle habite à Toulouse tandis que nous résidons à côté de Perpignan. Pour ses rendez-vous elle est hébergée par ses grands-parents qui tous les quatre sont dans les Yvelines, dans la boucle de la Seine, à l’ouest de Paris.
À cause de l’état déplorable d’inaccessibilité des transports publics franciliens, quand nous ne pouvons pas l’accompagner, nous sollicitons un véhicule sanitaire léger ; en fait un taxi conventionné par l’assurance maladie. Cette dernière n’étant pas d’une grande aide pour trouver un transport, seul un fichier PDF avec une liste de taxis indépendants est mis à disposition, sans aucun mécanisme de recherche. Nous nous rabattons sur les moteurs classiques dont les résultats témoignent du parasitisme consubstantiel à cette activité. Mon épouse appelle la semaine précédant le rendez-vous les sociétés trouvées, un peu au feeling, et effectue une réservation pour deux allers-retours en précisant bien, source d’inquiétude légitime pour ma fille ayant connu des déconvenues, que le véhicule doit disposer d’un coffre à hayon et non d’une malle pour recevoir un fauteuil[1]. Je passe les échanges mail puis téléphoniques désagréables pour s’entendre dire qu’il n’y a aucun moyen pour leur régulation de savoir à l’avance le type de véhicule qui sera disponible. Autant pour la prise en compte des besoins des usagers de leur service, on sent bien que seul le virement de la Caisse primaire d’assurance maladie les intéresse (CPAM). À bout, à deux doigts de chercher une solution de type « préservation du littoral corse » pour exprimer sa déception, ma femme me demande de prendre la suite.
Je commence par me résoudre à appeler les numéros du fichier de la CPAM des Yvelines mais à la énième réponse négative rapport au coffre et sur la suggestion du dernier taxi appelé je me tourne vers G7. Hourra, il semblerait que dans le cadre des désastreux Jeux à venir une prise en compte, sans-nul doute opportuniste, je n’oublie pas ma formation en communication, des personnes à mobilité réduite est effective pour cette société. Il y a une ligne dédiée et la possibilité de préciser le besoin d’une voiture de type break et à plancher rabaissé. J’appelle, cela semble coincer pour le temps d’attente sur place (un temps réduit) mais après vérification interne, pour une attente de 20 minutes c’est bon dans le cadre du service « G7 access ex horizon ». Ouf, je communique les informations de réservation à ma fille, tout le monde est soulagé.
G7, prend tout mais ne retient rien
C’était trop beau, la désillusion prit la forme d’un message d’É. m’informant que si elle était bien dans le taxi, celui-ci ayant bien roulé (vacances scolaires ?) il ne pourra pas l’attendre ; à elle d’appeler pour commander un taxi de retour. Je décroche mon téléphone (cette expression vieillit mal non ?) pour effectuer la réservation. J’ai cru un instant réussir jusqu’á ce qu’une berline de luxe se présente. Sachez que si un fauteuil manuel à assistance électrique rentre dans le coffre d’une humble Yaris, il ne tient pas dans celui d’une Lexus. Rappel à la régulation, aucun transport conventionné n’est disponible dans les 20 prochaines minutes, il faut rappeler plus tard… et ainsi de suite. Ne souhaitant pas prolonger l’expérience de l’attente sur les trottoirs de Boulogne-Billancourt dans le froid grandissant je finis par demander un taxi break, plancher bas mais non conventionné pour son retour. La CPAM est contente, G7 est content, je commence à doucement regarder amoureusement une pelle de jardin.
Le lendemain, le taxi appelle ma fille pour lui signaler que lui non plus ne pourra pas l’attendre et qu’il sera un peu en retard. Stressée, éprouvée par la veille, les cheveux couverts du plâtre assurant la tenue des électrode, É. se trompe sur l’heure de rendez-vous et croit ne pas pouvoir arriver à temps. Elle annule la course par réflexe, ce que je comprends parfaitement et m’appelle. Là encore impossible de trouver un transport conventionné avec coffre compatible. Ma fille renonce à son fauteuil mais cela ne suffit pas. Aucun taxi agrée CPAM disponible. Je commande à nouveau un taxi pour lequel il faut ajouter le prix des 20 minutes de trajet nécessaires pour rejoindre l’adresse de prise en charge à la course. Je commence à affûter la pelle.
S’ensuivent nombre d’échanges de la ligne G7 access avec des télé-opératrices de plus en plus saoulées qui finissent par me dire que de toutes façon aucun taxi conventionné ne sera disponible avant 16 h 30 — alors que la visibilité sur le planning n’est que d’une demi heure — et que, monsieur, lisez le petites lignes, les réservations n’en sont pas mais un engagement à essayer de trouver un taxi autour de l’heure définie le moment venu. Je réalise qu’une pelle ne suffira pas.
Pendant tout ces échanges ma fille attend par terre dans le hall du bâtiment hébergeant l’institut médical. À bout, je me reconnecte sur X, auparavant Twitter pour exprimer un peu de ma colère et de mon incompréhension sous le message promotionnel mettant en avant G7 via une sportive handi-sport. Un conducteur de véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC) — militant pour la avoir la possibilité de signer une convention avec le CPAM — me confirme que les engagements des taxi en général et de G7 en particulier sont bien plus par soucis de leur chiffre d’affaires que des personnes transportées. Je finis par commander encore une fois un taxi traditionnel après, sans-doute, avoir été black-listé par la régulation de la ligne access. La CPAM sourit, G7 aussi.
Handiwashing
En conclusion, j’aurais-du me départir de mon optimisme et retenir que, comme d’habitude en France, le soutien affiché des personnes porteuses de handicap est une opération marketing avant tout destinée à se donner un bonne image, qui plus est s’adressant aux personnes dites valides à fort pourvoir d’achat. G7 ne sort pas du cadre, cocorico.
Épilogue
Au fait, la réponse de G7 aux courses finalement payées de notre poche ? Un bon d’achat de 40 euros sur la prochaine course… Investissez dans les sociétés de fabrication de pelle.